Rien ne peut arriver...

Messages : 64 Date d'inscription : 25/10/2007 Localisation : Verbrun

Jean Dion, chroniqueur au Devoir a écrit:: Tout peut arriver, disait hier le monsieur des nouvelles. C'est bien vrai, ça, me suis-je aussitôt interpellé dans mon mont Orford intérieur. En plus, tu ne sais pas quoi, chose? On ne sait jamais. Bon, évidemment, ç'a l'air contradictoire comme ça, puisque si on sait qu'on ne sait jamais, on sait déjà quelque chose, ce qui aurait tendance à signifier qu'on ne sait pas toujours jamais.

Or si on ne sait jamais que quelquefois, le jamais est en réalité un jamais qui a peur de se montrer sous son vrai jour, soit quelque chose qui peut arriver, bien que ce ne soit pas tout puisque, comme on ne sait jamais que quelquefois, ce n'est pas tout le temps que quelque chose arrive. (Ce moment de pensée de haute voltige vous est gracieusement offert par le parti politique de votre choix. Si vous trouvez que c'est trop compliqué, songez à ceci: le parti A dit qu'un vote pour le parti C est en réalité un vote pour le parti B, le parti B dit que le parti C est un parti A déguisé mais qu'il pourrait se ranger du côté du parti B puisque le parti A non déguisé est l'antithèse d'une coalition B-C, et le parti C dit que le parti A et le parti B sont juste des maudits menteurs et que le parti A et le parti B sont des versions extrêmes de la voie C, elle-même un condensé de A +/- B dans un ensemble ABC = [B x A] - C. Tout cela, 19 fois sur 20. Et dire qu'après, il y en a qui s'étonnent que les gouvernements minoritaires ne durent pas longtemps.)

Personnellement, quand je vois tout le monde s'exciter avec la course au haut du bas du milieu du classement dans laquelle est plongé le Ca'adien, je fais miennes les paroles énoncées par Teilhard de Chardin un soir qu'il avait connu l'état de grâce en regardant un match au Garden de Boston: «Tout ça pour aller se faire sortir en quatre par Buffalo.» Bien sûr, si vous allez raconter ça à un amateur professionnel de hockey, il ne comprendra pas. D'abord parce que l'amateur professionnel est habitué à ses commentateurs qui, en parfaits colonisés, prononcent tous les noms qu'ils peuvent à l'anglaise. Ainsi, dans ce cas de figure, il répondrait: «Qui ça?» Vous devriez ensuite préciser: «Teyl-heurde deu Tchârdune». Il ferait aussitôt l'association avec des trucs qu'il connaît, comme «Tyler Arnason» et «Doug Shedden». Là, vous verriez son visage s'éclairer.

En outre, il ne comprendrait pas parce qu'il croit qu'une fois en séries éliminatoires, tout peut arriver. Il peut même arriver au Ca'adien de ne pas se faire sortir en quatre par Buffalo. Évidemment, à la réflexion, cela est si tellement complètement faux qu'on jurerait entendre une promesse électorale. Tout ne peut pas arriver. Par exemple, si le Ca'adien se fait sortir en quatre par Buffalo, il ne peut pas se faire sortir en cinq en même temps, cela même si, vous verrez, si jamais le Ca'adien accédait aux séries et perdait les trois premiers matchs contre Buffalo, des experts diraient que c'est fini et que peu importe que le Ca'adien perde en quatre ou en cinq, c'est la même chose. Le sport professionnel, comme on peut le voir, est une activité humaine éminemment complexe.

De toute manière, tout ne peut pas arriver parce que le Ca'adien est plongé dans une période noire de sa glorieuse histoire, et personne n'y peut rien. Tenez, faisons un peu d'histoire, ne serait-ce que pour ne pas se laisser impressionner par ceux qui racontent que le dernier gouvernement minoritaire au Québec remonte à 1878 et que Joly de Lotbinière et Boucher de Boucherville et leur bande de joyeux lurons avaient trempé là-dedans. Quelle était, avant celle-ci, la plus longue disette du Ca'adien sans goûter au mousseux versé effervescemment dans la Stanley? Tout à fait: 13 ans, de 1931 à 1944. Et qu'est-ce que vous pensez que ç'a pris, en 1944, pour renouer avec le sentier de la fureur de vaincre? Tout à fait, mesdames messieurs: Maurice Richard. Le Rocket soi-même en personne.

Or en voyez-vous un poindre à l'horizon, de digne successeur du Rocket? Si oui, vous avez de meilleurs yeux que moi, ou alors vous avez abusé de la boisson ces derniers temps, hmmm?

Regardons plutôt la vérité en face. Prenons un électeur tout frais, qui en était hier à son premier scrutin général uninominal à un tour. Il a eu 18 ans, mettons, le mois dernier, ce qui signifie qu'il est né début 1989 (ce qui ne me rajeunit pas, ni vous non plus). Cet électeur avait juste un peu plus de quatre ans lorsque le Ca'adien a remporté sa 24e et dernière coupe Stanley, ce qui signifie que l'électeur n'en a probablement pas de souvenir tangible, ni d'ailleurs de l'échec de l'accord de Charlottetown consacré l'automne précédent (ça, même les plus vieux ne s'en souviennent pas). Or considérez donc que non seulement l'électeur n'a aucun souvenir d'une Stanley ayant paradé à Montréal mais qu'en plus, et là attention ça va donner un sérieux coup, il n'a jamais même vu son Ca'adien se rendre en demi-finale des séries éliminatoires. Toujours sorti au deuxième tour ou avant.

Et le voilà -- le Ca'adien, pas l'électeur -- encore pogné pour essayer in extremis de se qualifier pour le haut du bas du milieu du classement. Avec nulle autre perspective, s'il y parvient, que de se faire sortir en quatre par Buffalo.

Ne vous en faites donc pas, il ne se passera rien. Rien ne peut arriver.

Messages : 68 Date d'inscription : 22/10/2007 Age : 43 Localisation : Montréal

J'ai bien aimé la parenthèse de l'ABC politique Smile

» Heille on organisses-tu des débats?